RECIT DE VOYAGE
La vallée résonne. Les lushengs, ces grandes flutes de bambou, sont à l’honneur aujourd’hui. Nous sommes au Ghuizou, province méconnue du sud de la Chine mais où vivent le plus grand nombre de minorités que compte l’Empire du Milieu.
Une esplanade a été dégagée au milieu des rizières. Tout autour se sont rassemblés les villageois pour encourager les joueurs de lushengs ou simplement assister à la fête. Les musiciens doivent évoluer, au fur et à mesure que la foule se fait plus compacte, dans un espace restreint, car jouer du lusheng ne veut pas dire jouer que de la musique mais aussi exécuter une suite de pas de danse qui même simple, demande du souffle et de la coordination. Les groupes sont formés de 10 à 20 musiciens et n’ont que quelques minutes pour se faire valoir. A peine ont-ils fini qu'un autre groupe prend sa place et ainsi de suite pendant plus de 2 heures. A l’infini tous reproduisent le même morceau. C’est en haut de la colline que l’on entend le mieux le son des flutes qui monte vers les cieux et c’est là aussi que prennent place les juges pour décider qui a joué avec le plus d’entrain.
Si le son entêtant des lushengs envoute la vallée, les jeunes filles en habit traditionnel de fête enchantent les yeux. Costumes chamarrés aux couleurs chatoyantes et qui ont été brodé avec un soin infini. Si tous se ressemblent au premier abord on s’aperçoit vite que de minimes différences existent dans le choix des couleurs ou l’exécution des motifs. Ce sont de véritables œuvres d’art, des habits de lumière dignes de la haute couture. Graphisme et design recherchés et sublimés tatouent sur le vêtement l’histoire de ce peuple Miao qui descend , selon la légende, de la rencontre entre un papillon et une goutte d’eau.
La veille nous avions assister à un autre festival de printemps où là les femmes de tout âge dansaient en cercle chacune accompagnée par un homme. Autre village, autre Miao avec autres costumes traditionnels car chaque village Miao porte inscrit sur ses propres habits l’appartenance à son clan.
La créativité des habits est infinie presque comme les festivals qui ont lieu en cette période souvent en plusieurs endroits en même temps. Le choix est difficile et l’expérience de notre guide nous entrainera vers des villages cachés où nous aurons la chance de voir le plus beau de tous les festivals. Sur cette petite place entourée de greniers à riz centenaires en bois arrivent de toute part des jeunes filles en habit rouge portant des couronnes argentée et qui se mettent à danser en cercle sur une musique envoutante et répétitive comme un canon . En quelques minutes la place est rouge, plus de 100 jeunes filles décrivent au pas cadencé des cercles en suivant les joueurs de lushengs. Nous avons l’impression d’avoir fait un bon de 100 ans en arrière sur cette place car a part quelques jeunes gens aux cheveux teints de toutes les couleurs et portables à la main rien ne semble, ce jour là, avoir bougé ici.
Maintenant la place est jaune, ici bleue roi, ailleurs multicolore en commun la splendeur des habits, le tintement des grelots en argent et les musiciens, qui tout en soufflant dans leur longues et grandes flutes de bambou, forment des demi- cercles en continuant à tourner sans fin .
Sans fin semble être le nombre de costumes traditionnels. Comment expliquer qu’avec si peu de moyens et de temps, car le travail dans les champs est harassant, les femmes ont trouvé autant d’inspiration pour broder autant de motifs aussi dissemblables tout en respectant la symbolique de son propre clan? La culture miao, traditionnellement sans écriture, a trouvé grâce à l’habileté des femmes à orner les vêtements un moyen simple mais efficace de véhiculer jusqu’à nos jours les mythes de cette ethnie. Pour les Miao, broder c’est donc, utiliser un véritable langage fait de motifs figuratifs ou abstraits, qui racontent l’origine de leur peuple, leurs légendes, croyances religieuses et relation avec la nature et le monde des esprits. Les motifs tribaux ou plus récemment influencés par la culture han prédominante constituent un répertoire extrêmement riche , varié et vivant ou les Miao puisent leur formidable inspiration. L ’habit de fête devient ainsi un livre où il est possible de lire et de transmettre l’histoire des différentes communautés. Il y a autant d’interprétations des motifs symboliques que de groupes ethniques mais, chaque groupe étant composé de plusieurs branches qui toutes veulent se diversifier de sa voisine par les couleurs, les dessins employés, le tissu, les coiffes, la longueur des jupes… permettant aussi de désigner les groupes selon leurs costumes, par exemple: Miao fleuris, Miao noirs… et même Miao mini jupe par opposition aux Miao jupe longue! Ici, chez les Miao, chaque détail a une signification précise qui se réfère à un moment spécifique de l’évolution de leur mode de vie et de penser.
Si pour aller au marché, on revêt rarement l’habit traditionnel on montre sa coiffure! Et dieu sait si elles sont élaborées. Mais avant de se coiffer, il y a quelques préparatifs. En effet, les femmes ne se coupent pas les cheveux, ils pendent parfois jusqu’au sol avant d’être coiffés. Après être lavés, ils sont enduits d’huile de thé ce qui leur donne un aspect brillant, puis sont enroulés et coiffés en chignon. La coiffure peut être très élaborée, décorée avec un peigne, des bijoux ou avec une fleur artificielle. A chacune sa coquetterie! Une telle coiffure n’est pas très pratique pour les travaux des champs. Un simple chignon recouvert d’une serviette fait alors l’affaire pour les jeunes comme pour les femmes âgées et il en va de même pour les habits, les femmes choisissent un simple pantalon et tunique pour le quotidien. Mais aujourd’hui comme hier, les habits traditionnels se portent avec fierté pour les grands événements de la vie qui sont les mariages, les funérailles et les fêtes.
On pourrait croire que le modernisme galopant de la Chine englouti les traditions de ces minorités, pourtant encore ces us et coutumes résistent car les jeunes générations intègrent dans leurs broderies des nouveautés inspirées de la vie moderne qu’ils mènent. Par exemple maintenant la mode est aux fils à broder aux couleurs lumineuses ; les habits sont dans leur ensemble plus clairs que ceux de leurs grand- mères. Les motifs sont revus et modernisés. La broderie miao est en perpétuel renouvellement ; s’adapter pour mieux survivre et encore surprendre.
Parce que l’école est devenue obligatoire pour tous et que les entreprises recrutent jusqu’au plus profonds villages du pays les jeunes n’ont plus le temps de se consacrer aux travaux d’aiguille et de confectionner leurs habits traditionnels ce qui requiert plus d’une année. Pour ces raisons aussi on tisse de moins en moins son propre coton et la qualité des costumes s’en ressent, le tissu provenant des fabriques des alentours. Ces savoir faire tendent à disparaître. Seules celles qui vont rester au village tisseront et broderont leurs habits de fête. Les costumes ne se transmettent pas de mère en fille car il y va de sa fierté d’avoir soi même créer son propre habit de lumière. Malgré cela y a encore beaucoup de jeunes filles qui se réjouissent de revêtir ces habits durant les festivals. Toutes se font des selfies avec leurs téléphones portables, aguichent les garçons, se laissent admirer par la foule : la relève est donc assurée pour quelques années encore.
Si autrefois les festivals étaient organisés aussi pour favoriser les rencontres entre jeunes gens des différents villages maintenant on y participent surtout pour le plaisir et s’amuser. La fête a évolué et mêle aux danses traditionnelles d’autres activités appréciées de la population. Stands de jouets, de nourriture, manèges, photographes itinérants, concours de chants, démonstrations de danses sur musique moderne en habit traditionnel revisité tout cela contribue avec les combats de buffles à maintenir encore vivantes les traditions au Guizhou.
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