DESERTS SECRETS
DESERTS SECRETS : BARDENAS REALES ET MONEGROS
Imaginez une étendue de terre aride et inhabitée, striée d’un dédale de collines et de canyons, de reliefs ruiniformes et de cicatrices terrestres, où l’on croirait encore entendre l’écho du premier matin du monde. Bienvenue dans le désert des Bardenas, merveille géologique lunaire et surréaliste. Pour venir ici, nul besoin de traverser les océans et de franchir les continents. Nous sommes en Espagne, aux confins de la Navarre et de l’Aragon, à une heure du sud des Pyrénées.
Il y a 10 millions d’années le territoire aujourd’hui appelé Bardenas Reales était une mer intérieure qui s’asséchant a donné lieu à ce paysage si particulier. Ensuite pluies et vents ont pris le relais sculptant avec une imagination débridée l’argile, le gypse, le calcaire et le grès. Ont surgi pics, vallons et collines, et lignes de crête ornées de draperies. Au loin, la steppe est quadrillée de champs de céréales. A certains endroits, on ne dirait plus un paysage, mais un décor de cinéma. Ce sont d’ailleurs les images qui ont dévoilé les Bardenas. Pas une publicité automobile à la télé espagnole qui n’ait le désert pour toile de fond. Photos de mode et clips musicaux célèbrent son étrange beauté. D’innombrables films y ont été tournés ces dernières années (Brimstone, La Promesse, Cartel, Le Moine, Opération Valkyrie, L’homme qui tua Don Quichotte…). Mais aussi et surtout des passages de la saison 6 de la série Game of Thrones (2015), qui ont attiré ici des aficionados parfois venus de loin. Mais malgré cela ce désert comme celui de Monegros à 100km de là reste encore une adresse pour initiés. Il y a des raisons à cela. D’abord l’absence d’aéroport international dans la région la moins dense d’Espagne. Mais aussi la volonté des gestionnaires du parc de protéger le désert plutôt que de le promouvoir. Le bureau d’accueil détaille tous les interdits avant de vous indiquer les incontournables. C’est en effet une zone de protection pour les oiseaux des steppes et les rapaces, qui y nidifient. Les marcheurs sont souvent accompagnés des vautours fauves, aigles et milans avant de se poster à flanc de falaise.
Le plus surprenant est de voir que les cultures comme le blé, l’orge ou le riz viennent lécher les pieds des formations rocheuses, c’est un désert cultivé et vert car des arbustes y prolifèrent. On y rencontre lors des balades aussi de petits lacs, c’est un désert qui décoiffe par ses particularités. Quarante mille brebis empruntent encore chaque année les chemins de transhumance. Les troupeaux s’ébattent parmi les plantes de la garrigue : armoise, chardon, romarin, chêne des garrigues, genévrier…on est étonné de trouver une telle variété d’écosystème en ces terres quasi oubliées.
Les Bardenas prennent un visage différent selon la lumière comme au coucher du soleil où les nuances de bleu et de rouge émergent des strates sédimentaires de certains monolithes aux formes torturées. Lorsque le ciel devient pastel les couleurs des roches rouge orangé s’enflamment, elles se font timides lorsque le soleil est au zenith. Découvrir les Bardenas et le Monegros c’est rencontrer un paysage dur, un paysage mouvant, car l’érosion est si rapide ici qu’on peut constater d’une année à l’autre les bouleversements qu’elle apporte.
Les Bardenas et le Monegros voudraient mieux se faire connaître mais sans perdre son âme rude, cet équilibre est et sera difficile à maintenir surtout que ces terres appartiennent aux grands rapaces qui veillent sur leur tranquillité ne quittant jamais des yeux les voyageurs de passage.